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ll y a des lieux sur Terre qui défient l’imaginaire. Des paysages si vastes, si purs, qu’ils semblent appartenir à une autre planète. Le Salar d’Uyuni et le Sud Lípez font partie de ceux-là. Quatre jours d’émerveillement absolu, de silence, de vent, de sel et de beauté brute. Quatre jours suspendus entre ciel et terre, où chaque virage révèle une nouvelle palette de couleurs et de sensations.

Jour 1 – Salar d’Uyuni : Le paradis blanc

Notre aventure débute à Uyuni, petite ville sans charme particulier mais porte d’entrée vers un monde irréel. Limber, notre guide, nous accueille avec son sourire tranquille. Nous l’avions choisi volontairement : un guide bolivien ne parlant pas français, pour une immersion totale dans la culture locale. Et ce fut une véritable réussite. Dès les premiers kilomètres, la complicité s’installe, les rires remplacent les mots.

Quelques minutes après notre départ, nous faisons halte au cimetière des trains : carcasses de métal rongées par le sel, vestiges d’une époque où le rail dominait les Andes. Puis les drapeaux flottent au vent, celui de la Bolivie, de Potosí, d’Uyuni, et la wiphala, symbole des peuples andins.

Bientôt, la route s’ouvre sur une blancheur infinie : le plus grand désert de sel au monde, 12 000 km² de pureté minérale, 120 mètres de profondeur. Les “yeux d’eau” bouillonnent à la surface, rappelant que la vie circule même dans cette immensité figée.

Quand nous atteignons l’île d’Incahuasi, le spectacle devient surréaliste. Des cactus géants, vieux parfois de mille ans, se dressent au milieu de cette mer blanche. Les Incas vivaient ici autrefois, se nourrissant des fruits du “pasacana”, un fruit proche du kiwi. Le silence est total, seulement brisé par le vent et nos pas sur le sel.

Limber, en plus d’être un guide passionné et un chauffeur expérimenté, est aussi un photographe talentueux. Il nous propose une séance photo en “perspective”, ces clichés ludiques typiques du Salar. On se prend vite au jeu face au dinosaure… fou rire garanti !

À la tombée du jour, Limber nous prépare une surprise : apéritif face au coucher de soleil, vin bolivien, fromage de chèvre, chips croustillantes. Le ciel se métamorphose en un dégradé de jaune, d’orange, de violet puis de bleu profond. Une étoile apparaît, puis une autre, filante celle-là. Célian, les yeux levés, s’exclame : « C’était fou ! ». Ce moment suspendu restera gravé dans nos mémoires.


Je ne suis plus la même depuis que j’ai vu l’éclat de la lune de l’autre côté de la Terre. Mary Anne Radmacher

La nuit, nous dormons dans un hôtel de sel à Puerto Chuvica : murs, lits et sols entièrement sculptés dans cette matière blanche. Une soupe chaude, une purée maison, un lit douillet en sel comme l’ensemble de cet hôtel : après une journée pareille, le bonheur est simple mais chaleureux et réconfortant.

Jour 2 – Des lagunes et des flamants roses

Le lendemain, la route reprend vers le sud. Nous traversons San Juan, village où l’on brasse de la bière artisanale dès le matin. Nous en glissons quelques bouteilles dans le coffre, pour une future dégustation.

La piste se perd dans l’immensité du Salar de Chalviri. Le volcan Ollagüe fume au loin. Puis viennent les lagunes : Cañapa, Charcota, Honda. À chaque arrêt, la beauté nous coupe le souffle. Les montagnes se reflètent dans l’eau turquoise, le ciel se confond avec la terre, et les flamants roses animent le décor de leurs silhouettes gracieuses.

Trois espèces cohabitent ici : l’andin aux pattes jaunes, le chilien au plumage rose vif et le james, blanc et noir. Nous restons longtemps à les observer. Leur élégance, leur calme, cette impression d’éternité… tout invite à la contemplation.

Célian, installé à l’avant, prend très à cœur son rôle de copilote. Avec Limber, la complicité s’installe. Malgré la barrière de la langue, ils échangent des regards, des gestes, des sourires. Et le soir venu, les cartes s’invitent à table : le UNO, c’est international ! Entre deux fous rires, nous lui apprenons même à jouer au Président. Ces moments simples font partie des plus beaux souvenirs de notre voyage.

La journée s’achève à la Laguna Colorada, immense étendue rouge peuplée de milliers de flamants. Le vent balaie nos visages, les couleurs changent sans cesse, passant du rose au rouge, du vert au bleu. Le Sud Lípez commence à nous ensorceler.

Jour 3 – Geysers, volcans et lagunes de rêve

À l’aube après une nuit glaciale dans une auberge plus que rustique, nous rejoignons les geyser Sol de Mañana, à plus de 4800 mètres d’altitude. Le sol fume, le soufre emplit l’air, la terre boue à 100 degrés. Ce décor brut, presque hostile, fascine et dégage une odeur nauséabond d’oeuf pourri aussi !

Nous traversons ensuite le désert de Dali, où la nature semble avoir peint ses propres toiles. Les roches rouges et ocres, les ombres et les reflets composent un tableau digne du maître surréaliste qui n’a pourtant jamais mis les pieds ici…

Puis vient notre coup de cœur : la Laguna Verde. À la frontière du Chili, cette lagune d’un vert profond doit sa couleur à l’arsenic, au cobalt et au plomb. La nuit, elle blanchit totalement quand le vent tombe. Derrière elle, le volcan Licancabur se dresse à 5950 mètres, mi-chilien, mi-bolivien, couronné d’une petite lagune à son sommet. Ici le vent souffle fort, très fort.

Nous terminons la journée dans les sources chaudes de Polques, à 35 degrés, face aux flamants et aux vigognes. L’eau chaude, le soleil et la montagne : tout semble irréel.


Voyager rend modeste. On voit mieux la place minuscule que l’on occupe dans le monde. Gustave Flaubert

Jour 4 – Le Sud Lípez, trésor caché de la Bolivie

Dernier jour, dernier émerveillement. Nous quittons Quetena Chico à l’aube. La route serpente entre montagnes et vallées, révélant à chaque virage de nouveaux panoramas.

Premier arrêt : le mirador de la Lagune Morejón, perché à 4855 mètres. Puis vient El Pueblo Fantasma, village minier abandonné après une épidémie. Les ruines coloniales espagnoles sont habitées aujourd’hui par des viscachas, sortes de chinchillas andins.

Nous poursuivons vers la Ciudad Encantada, une formation géologique vieille de plus de 40 millions d’années. Ses formes étranges éveillent l’imagination : tortue, aigle, puma, croix… Un jeu d’enfants grandeur nature.

Enfin, El Sillar et la Vallée de la Lune viennent clore cette aventure en beauté. Les reliefs sculptés par le vent laissent place à l’imagination.

Après plus de 1000 kilomètres parcourus en 4×4 accompagnés des vicuñas, des autruches et autres viscachas, nous atteignons Tupiza, les yeux encore pleins de lumière et le cœur serré.

Ce que nous retenons

Cette excursion restera l’une des plus marquantes de notre tour du monde. Non seulement pour la beauté saisissante des paysages, mais aussi pour l’intensité humaine de ces quatre jours.

La générosité de Limber, sa fierté bolivienne, sa patience, sa joie de partager son pays. La complicité née malgré les mots manquants, les rires autour des cartes, les discussions ponctuées de gestes et de regards. Et la place donnée à l’enfant, ici, en Amérique du Sud : respecté, écouté, valorisé. Célian a trouvé en Limber un compagnon de route.

Quatre jours sans téléphone, sans hôtel à chercher, sans décisions à prendre. Quatre jours à se laisser porter, à contempler, à se reconnecter à l’essentiel.
Quand la route du Sud Lípez rejoint celle du Salar, on ne revient pas tout à fait le même.


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